La presqu’île Guérandaise, un patchwork culturel et sociétal.

Publié le par Breujoù Breizh

L’observateur extérieur breton qui ne connaît la presqu’île guérandaise autrement que par un séjour d’une ou deux semaines au Croisic ou à La Baule, y voit un lieu de loisir, et accessoirement le pays du sel. Bref une région bretonne comme une autre rattrapée par la modernité …

Or la presqu’île de 2007 est un territoire morcelé : morcelé par les traditions anciennes, morcelé par l’histoire récente, par les paysages et métiers.

Déjà dans le passé, de la renaissance au 19eme, la presqu’île était un territoire très divers : une côte bretonnante plutôt riche avec le commerce du sel, une brière et une campagne nazairienne gallo plutôt pauvre.

A partir de la fin du 19eme tout fut bousculé : l’implantation d’une industrie très importante à Saint-Nazaire par l’intermédiaire de l’Etat bouscula les us et coutumes de la région et fit basculer toute cette région dans le monde industriel, l’implantation du tourisme de Pornichet au Croisic par des notables nantais et parisiens précipita la fin rapide des coutumes bretonnes bien ancrées.

1°) Quel est la part d’autochtones dans cette région ?
En voici un tableau rapide :

Un bout de la presqu’île est en Morbihan ! (qui faisait partie du pays nantais avant la révolution) et fait partie aujourd’hui de la communauté de communes de La baule (Pénestin, Férel, Camoël), ces 3 communes peuvent être associées à Piriac : 60 à 70% des gens sont des bretons. (les autres : « pédéliens, hexagonaux, étrangers »)
Une région encore peuplée en majorité de gens originaires du coin : De Piriac à Guérande, et toute la brière, et la ville de Saint-Nazaire.
Une région où 50 % des gens sont originaires du coin : Du Croisic à Pornichet.


2°) Quel est le positionnement politique de la presqu’île ?
Et bien la presqu’île est clairement cassée en deux, une côte conservatrice votant à droite, Saint-Nazaire et son arrière-pays la Brière très à gauche.

La commune symbole de cette fracture est Pornichet qui fait partie de la baie de La Baule, mais étant très attirée par Saint-Nazaire (nombre de résidents travaillent à Saint-Nazaire), cette commune est désormais passée à gauche et a rejoint la communauté de communes de Saint-Nazaire.

3°) Quid de l’identité bretonne et de son acceptation par les pouvoirs publics ?
Une côte conservatrice et …plus bretonne que l’intérieur
Au sein des élus et de ceux qui détiennent le pouvoir politique, il y a clairement une acceptation sur la côte conservatrice, sans doute pour motifs touristiques, aussi par le coté conservateur, autant la sphère nazairienne rejette fortement l’identité bretonne

Les panneaux bilingues (le croisic, batz, le pouliguen, la turballe, st-molf, etc…) sont tous de ce coté de la « frontière » et les fêtes traditionnelles bretonnes beaucoup mieux portées par les municipalités de ce coté : La Baule et son pardon, Batz sur mer, les celtiques et le festival du livre en Bretagne de Guérande etc…

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La Baule semble être l’exception parisienne mais avec une position beaucoup moins anti-bretonne qu’à Saint-nazaire : la ville de la baule sait que l’image bretonne plait et n’en fait pas un dogme et un tabou comme à saint-nazaire. (elle a conservé sur ces plaquettes la mention de « sud Bretagne »)

Pornichet pour cause de « tourisme », s’y est mis elle aussi sans doute fortement influencée par La Baule. (la fête bretonne récemment créée « pornizhan ar fest »), Pornichet a beau être influencée par Saint-Nazaire, elle se doit de ne pas laisser tomber l’image bretonne car …elle partage la baie avec La Baule et Le Pouliguen !

Saint-Nazaire, tout sauf breton …
De l’autre coté, s’inspirant du modèle nazairien, les pouvoirs publics ne supportent pas ce qui peut rappeler l’identité bretonne, aucun panneau bilingue, aucune fête vraiment soutenue : l’identité bretonne ne vit que par la vitalité associative.

Toute la communauté de communes de Saint-Nazaire (la « carene ») est influencée par cette volonté –assumée – de faire de la région une région nouvelle « débarrassée » de l’influence bretonne. (architecture sudiste, promotion uniquement de l’identité « paquebots » et « monde ouvrier », « art moderne »..)

La sensibilité de Saint-Nazaire et de son arrière-pays (la Brière) est fortement influencée par la tradition ouvrière, laïque (franc-maçonnerie très implantée depuis plus d’un siècle), on peut dire que dans un sens c’est une tradition enracinée à Saint-Nazaire !

L’avènement de joël Batteux en est tout de même l’achèvement le plus complet, reniement de la tradition bretonne, architecture sans lien avec la tradition (« cubes »), il faut créer un homme nouveau détaché de toute identité locale.

La Brière ne s’inspire exclusivement que de son identité micro-locale (le marais) quitte à passer sous silence certaines évidences (lexique brièron …pas un mot sur le gallo, pas un mot sur la Bretagne)

Une population de la presqu’île orientale attachée à la Bretagne
Le pouvoir politique ne veut pas de la Bretagne dans cette presqu’île de l’Est mais la population y est tout de même très attachée : le bagad Sant Nazer est en 1ere catégorie, il y a une école Diwan, les amateurs de festoù-noz sont légions, oui la Bretagne est populaire dans la région de Saint-Nazaire malgré l’aversion des municipalités.

Pourquoi cet écart entre la population et les élus ?
Est ce un élitisme de gauche ? on peut s’autoriser à le croire…
Sachant que la population de Saint-Nazaire votera à gauche avant toute autre considération, sachant qu’elle met l’identité bretonne plus comme relevant de la sphère privée et ne voyant pas le lien avec la politique, on peut sans nulle doute dire qu’il y a un véritable quiproquo par la population envers les élites politiques !

Un travail d’informations pour mettre à jour la véritable philosophie des élites locales (universalisme, jacobinisme, négation et mépris de l’identité bretonne) serait peut-être profitable.

Un mouvement breton fort ….dans l’est !
Quelle est la part du mouvement breton en presqu’île ? on peut le dire inexistant sauf ….étonnamment ….à Saint-Nazaire, où aux dernières élections, une liste « Saint-Nazaire en Bretagne » a fait plus de 5%. Mais ici c’est clairement un mouvement breton de gauche qui prime.
L’UDB est bien implantée à Saint-Nazaire, Emgann y fut bien présent dans le passé.

Il y a une place sur la côte dans le futur pour un mouvement de droite style « Adsav » et plus sûrement pour un parti conservateur centriste comme le « Parti breton »

Pour une stratégie géographique !
En conclusion on peut dire que l’économie de la presqu’île « cassée en 2 », tourisme et industrie, a façonné 2 mentalités dans les pouvoirs politiques, une conservatrice écoutant un peu la tradition locale, une « ouvriériste » très axée sur l’universalisme et ne voulant pas accepter la part bretonne, qui pour elle, tient du passé.
Chaque camp s’alimentant des idées des populations respectives mais avec un véritable quiproquo à Saint-nazaire sur l’identité bretonne.

Le mouvement breton peut y gagner des voix mais en s’adaptant fortement à ces 2 publics et en sachant plus qu’avant analyser comment marchent les mentalités dans ces « micro » pays.

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Tugdu eus Sant-Nazer
Crédits photos : Breujoù Breizh

Publié dans Numéro 1

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